C'est jeudi
Il est dix heures du soir, j'entends les rires de ma fille et de ses amies sur la terrasse.Elles ont fui
le parc voisin où elles s'étaient retrouvées pour pique-niquer , afin d' échapper aux moustiques.
On est fin mai,mais on se croirait en été; j'ai eu du mal à faire rentrer pour la nuit
nos deux chattes, qui seraient bien restées chasser .
A cette heure,ma femme est installée à l'autre bout du canapé, casque vissé sur les oreilles,
à regarder un film sur son portable .Notre plus jeune fils est comme d'habitude enfermé dans
sa chambre, aux prises lui aussi avec son écran.L'aîné est reparti à Lyon, avec son violon d'étude.
Et moi je suis là,assis sur le même canapé,l'ordi sur les genoux .Un jour férié qui se termine.
Il a fait beau et chaud.On revit,disait-on entre nous.La télé est éteinte. On a ressorti les bouquins;
pour ma part j'ai lu toute la journée "Istanbul",d'Orhan Pamuk.
Le seul qui manque ,c'est Duplo,notre beau chat à la fourrure grise de Chartreux.Là,c'est l'heure
où d'habitude il venait s'allonger sur mes genoux,de toute sa longueur.Il y a six jours, une voiture
a décidé pour lui que son temps avec nous était révolu.J'étais dans une boutique à choisir un
vêtement quand la fourrière m'a appelé,on leur avait apporté le corps,ils étaient désolés.Je les ai
laissé l'incinérer. C'est le deuxième en deux ans.Ma femme a juré à hauts cris qu'elle ne reprendrait
plus jamais de chats.
Maintenant, on surveille les deux chattes qui nous restent comme des enfants, à qui on a interdit
de sortir la nuit.
En ce moment-même ,ces deux soeurs sont toutes deux allongées côte à côte sur un grand
coussin rouge, obéissantes,devant mes pieds nus;image d'un bonheur familial -presque- parfait.